Accueil > Actualités > Créations digitales : comment et pourquoi les protéger ?
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Stéphanie L.
12 janvier 2024
18 avril 2024

À l’ère de l’IA se pose chaque jour la question du droit d’auteur en ligne mais aussi du statut des créations digitales. Faciles à copier, reproduire, modifier, les créations numériques sont – par nature – constamment menacées, et l’anonymat de l’infraction souvent difficile à briser.

Comment protéger les créations digitales  ? Tour d’horizon des actions à envisager pour protéger ses créations cette année.

Création digitale et propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle (PI) désigne un ensemble de droits légaux accordés aux créateurs pour protéger leurs créations. Ces droits confèrent aux détenteurs la possibilité d’exploiter commercialement leurs créations et de contrôler leur exploitation.

Le code de la propriété intellectuelle protège toutes les œuvres de l’esprit quel qu’en soit le genre, le mérite, la destination et la forme d’expression. Il couvre donc aussi les créations numériques (sites web, textes, images, logiciels, bases de données…), sous réserve d’en satisfaire les conditions de protection.

Dans le contexte digital, la protection de ces créations peut résulter :

  • Du droit d’auteur pour les œuvres de l’esprit
  • Du droit sui generis dans le cas de logiciels et bases de données
  • De la propriété industrielle : marques, secrets de fabrications, brevets, dessins et modèles.

Protection par le droit d’auteur des créations numériques

Pour qu’une création puisse être protégée par le droit d’auteur, celle-ci doit répondre à trois conditions :

  • Traduire une intention de création : une intervention humaine consciente visant à créer quelque chose qui n’existait pas auparavant.
  • Présenter un caractère d’originalité, c’est-à-dire résulter d’un effort créatif reflétant la personnalité de son auteur.
  • Se traduire par une forme tangible (mais pas forcément matérielle).
  • L’auteur doit être une personne physique et humaine (la qualité d’auteur est refusée à un animal). Pour ce qui est des œuvres créées par IA, l’humain à l’origine de l’œuvre peut prétendre au droit d’auteur sur sa création, si celle-ci présente le caractère d’originalité requis pour être soumise au droit d’auteur.

Ces critères sont des conditions nécessaires et suffisantes pour que s’applique le droit d’auteur. La violation du droit d’auteur engage la responsabilité civile et la responsabilité pénale.

Les deux dimensions du droit d’auteur

L’article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial (…).

Le droit moral consiste à protéger la personnalité de l’auteur à travers son œuvre. Il est perpétuel.

Les droits patrimoniaux permettent à l’auteur ou au titulaire de ceux-ci d’exploiter l’œuvre et d’en tirer profit.

Le droit d’auteur persiste au profit des héritiers et ce jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur. Passé ce délai, l’œuvre tombe dans le domaine public.

En France, le droit d’auteur n’est pas assujetti à des formalités d’enregistrement, mais certains outils peuvent permettre de donner date certaine à ses droits, tel qu’un dépôt E-Soleau.

 Mis en place en décembre 2016 par l’INPI, le service d’archivage en ligne e-soleau permet de déposer des fichiers numériques. Le but : établir la preuve d’existence d’une création à une date donnée et faire valoir son antériorité en cas de litige.

Sites, logiciels : quand s’applique le droit d’auteur ?

Dès lors qu’il y a création originale, le droit d’auteur peut s’appliquer, quelle que soit la forme de la création digitale. Sites web, textes, images, logiciels, bases de données peuvent être considérés comme des œuvres de l’esprit et être protégés par le droit d’auteur à condition de répondre aux trois conditions susmentionnées.

💡 Petite astuce si vous souhaitez protéger votre site du crawler du ChatGPT d’OpenAI : le code anti-crawler d’OpenAI.

Il suffit d’insérer dans le fichier robots.txt de votre site :

User-agent: GPTBot

Disallow: /

Il indique que le GPTbot d’Open AI n’est pas autorisé à parcourir vos pages. Et encore moins à se les approprier…

Le droit dit sui generis pour les logiciels et bases de données

Bases de données et logiciels peuvent relever de deux régimes de protection distincts : le droit d’auteur, lorsqu’ils répondent aux critères d’originalité pour leur structure, ou le droit dit sui generis pour leur contenu.

Ce droit sui generis prévoit une protection du contenu à condition que sa réalisation ait nécessité “un investissement substantiel”, financier, matériel ou humain. Il ne protège cependant pas tant les données elles-mêmes que ces investissements. L’intervention d’un professionnel de la propriété industrielle est nécessaire pour rassembler la documentation nécessaire, constituer le dossier et procéder au dépôt.

Les dépôts auprès de l’agence pour la protection des programmes (APP)

L’APP propose aux éditeurs d’œuvres numériques trois formes de dépôt des créations adaptés aux différents types d’œuvres numériques : sites Internet, logiciels, jeux vidéo, art digital etc.

  • dépôt simple, par enveloppes scellée ;
  • dépôt vérifié, consigné sur procès-verbal par un agent de l’APP ;
  • dépôt contrôlé : un agent de l’APP procède en présence du déposant à des tests de fonctionnement et de complétude.

À noter que ces dépôts permettent de donner date certaine à ses droits sur la création sans en constituer pour autant !

La propriété industrielle : moyens de protection applicables aux créations digitales

Alternativement ou en complément, les dispositifs de la propriété industrielle permettent, par le biais d’un dépôt et d’un enregistrement de protéger divers actifs, y compris les créations digitales.

Il s’agit généralement de protéger des créations liées à l’industrie et au commerce, soit aux signes et éléments contribuant à l’identité et à la valeur de l’entreprise.

Enregistrement de marques

Le droit des marques permet de protéger divers éléments, que ce soit un nom, un logo, un visuel, un son ou un élément en 3D. Ainsi, appliqué aux créations digitales, le droit des marques est un outil crucial pour asseoir une protection solide, notamment pour :

  •  Les icônes des app
  • Le nom d’un logiciel
  • Des éléments visuels d’une interface…

En effet, une marque est protégée, sous réserve de son enregistrement, pour 10 ans et peut être renouvelée à l’infini.

Pour ce faire, il convient de s’assurer que le signe à protéger est notamment disponible et distinctif. L’accompagnement d’un professionnel de la propriété intellectuelle est fortement recommandé pour ce faire.

Réservation de noms de domaines

Les noms de domaine permettent également de se constituer des droits sur un nom, sous réserve de faire l’objet d’une exploitation effective.  

Un nom de domaine s’enregistre auprès d’un registrar, sur la base du “premier arrivé, premier servi”. L’enregistrement est soumis à condition pour la plupart des extensions (pour le .fr par exemple, il faut résider sur le territoire de l’un des États membres de l’UE ou de la Suisse, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein). L’enregistrement est nécessaire pour garantir l’exclusivité de l’utilisation d’une adresse web. Un nom de domaine peut être renouvelé de manière infinie, à condition de surveiller sa date d’expiration.

Doit-on déposer ses créations à titre personnel ou au nom de son entreprise ?

Morgane Sanson, juriste au sein du cabinet MIIP – Made In IP, distingue trois cas de figure.

« La question est fréquemment posée de savoir à quel nom déposer sa création. Doit-on la déposer en son nom propre, au nom de sa société ? C’est une question cruciale et non sans conséquences qu’il convient d’envisager en amont.

Il convient pour ce faire de distinguer les différents types de créations.

Les créations visuelles figuratives

Par principe, le titulaire de droits d’auteur sur des créations demeure être l’auteur initial, sauf stipulation contraire (dans un contrat de travail ou de commande, par exemple).

La question se pose notamment lorsque des sociétés font appel à des graphistes pour la création de leur identité visuelle, de leur logo, de leur interface graphique… Il convient de s’assurer dans ce cas que l’intégralité des droits leur soit cédée expressément pour envisager leur protection.

En effet, il convient de prévoir une cession de droits, mentionnant expressément les différents types de droits patrimoniaux cédés (droit de reproduction, de divulgation…) et le droit de déposer la création à titre de marque figurative ou de dessin et modèle, etc, C’est dans ce cas seulement que le cessionnaire peut s’emparer des droits patrimoniaux et procéder à des dépôts en son nom personnel (ou de la société cessionnaire, le cas échéant).

À noter que les droits moraux restent détenus par l’auteur des créations, en tout état de cause. Ces droits ne peuvent être cédés. Si le cessionnaire de droits devient titulaire de droits, l’auteur demeure le créateur initial. Cela a son importance notamment dans le cadre de dépôts probatoires (e-soleau, APP) dans lesquels le nom de l’auteur doit être mentionné, bien que les dépôts soient faits par les cessionnaires titulaires de droits. 

La question à se poser est de savoir qui détient les droits sur la création.

La protection d’un nom

Ici aussi, la question de savoir qui doit protéger le nom de son outil ou de sa société.

Dans le cas d’une personne physique ou d’un entrepreneur individuel, la question se pose peu, l’idéal est de déposer en son nom propre (à noter que celui-ci en est alors responsable sur ses biens propres). En effet, il convient de déposer sa marque, au nom de celui qui l’exploite. 

Dans le cas d’une société ou de l’activité d’une société, la question se pose davantage. 

S’il est question d’antérioriser sa protection, le dépôt peut être envisagé au nom du dirigeant, avant même que la société ne soit créée, pour s’assurer qu’un tiers ne déposera pas un tel nom en amont.

Si la société est en cours de formation, alors le dépôt doit être fait au nom du dirigeant pour le compte de la société en cours de formation. Une fois la société créée, la titularité de la marque devra être mise à jour, au profit du nom de la société seulement.

Si la société existe, il est préférable de protéger le nom de celle-ci ou d’un produit digital ou autre, au nom-même de la société. En effet, les marques entrent dans l’actif des sociétés et sont de véritables atouts financiers. En outre, si des preuves d’usage doivent être démontrées, elles doivent répondre des réalités juridique et factuelle, et donc refléter un usage au nom du titulaire. Si la marque est déposée au nom du dirigeant, un tel usage sera plus complexe à démontrer, dès lors que c’est la société elle-même qui l’exploite.

Ces hypothèses sont assez généralistes mais il peut exister des cas particuliers où des intérêts autres pourraient justifier de procéder autrement. « 

Pour plus d’informations, il est conseillé de consulter un professionnel qui pourra vous indiquer la meilleure stratégie à adopter !

La protection des créations digitales nécessite de considérer la création dans sa globalité, mais aussi chacun de ses éléments constitutifs. Le format digital rend la protection d’autant plus délicate que les copies et reproductions sont faciles. La moindre faille dans le dispositif de protection peut être exploitée, à des fins sinon malveillantes, toujours nuisibles. Le droit de la propriété intellectuelle est essentiel pour se forger une protection solide et essentielle.

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