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Culture web
Stéphanie L.
8 mars 2024

L’arobase, un symbole de modernité ?  Derrière ce signe que nous utilisons tous les jours, une histoire étonnante, racontée par Marc Smith, paléographe et enseignant à l’Ecole des Chartes, dans La véridique histoire de l’arobase.

“Véridique histoire”, car bien de fausses hypothèses ont été suivies et explorées. L’arobase en tout cas n’est pas née avec l’informatique. Elle existait déjà bien avant ça…

Une origine comptable

D’après Marc Smith, le mot arroba viendrait de l’arabe puis du Castillan et désignerait une ancienne mesure ibérique : un quart de quintal précisément. Son utilisation est attestée en Espagne au Moyen- Âge (11e siècle). 

Le signe viendrait quant à lui d’une préposition stylisée dont la première trace remonte au XVIe, en Espagne, dans une lettre adressée de Séville à Rome par un marchand Italien. 

L’usage se serait ensuite répandu progressivement en Italie. Une arobase prépositionnelle était alors utilisée pour indiquer des prix unitaire ou des taux. Sa forme, la distinguant d’un simple “a”, visait à la rendre plus visible dans les écritures. 

Les marchands italiens jouaient alors un rôle clé en Europe, et ce depuis le XIIIe siècle. Ils avaient développé de grandes techniques de comptabilité, notamment la comptabilité en partie double. Leur système comptable s’est naturellement répandu dans toute l’Europe, diffusant par la-même le signe “@”.

La préposition italienne s’est progressivement transformée en signe mathématique, adopté dans d’autres pays, indépendamment de la langue. 

Dans les langues non romanes cependant, le signe a perdu sa queue au fil du temps… Jusqu’à ce que les Anglais lui redonnent à partir du milieu du 18e siècle.

Par communauté de langage et de culture, elle s’est naturellement transmise aux États-Unis… Jusqu’à se retrouver sur les machines à écrire de l’American Writing Machine Company à la fin du XIX°. Et jusqu’à nos claviers aujourd’hui.

Un héritage de l’écriture commerciale

Les premières machines à écrire de 1868 étaient plutôt destinées aux journalistes et écrivains. Les fabricants ont vite compris néanmoins que leur débouché principal n’était pas la presse, mais le commerce. 

L’arobase servait alors à indiquer des taux d’intérêt dans l’écriture commerciale.

Le premier clavier de machine à écrire destiné à utilisation commerciale et doté d’une arobase pour ces usages apparaît ainsi vers 1883. Et l’arobase est ainsi  devenue une touche présente en série sur les machines.

La touche “@” est restée sur les claviers d’ordinateurs, par simple transfert d’interface d’une technologie à une autre, du clavier de machine à écrire au clavier de l’ordinateur. 

La disposition des lettres en AZERTY ou QWERTY est elle-aussi directement héritée des machines à écrire. Elle servait à ralentir la frappe pour éviter que les baguettes les plus utilisées ne s’emmêlent. La même disposition a été conservée alors même qu’elle n’avait plus raison d’être, simplement parce que les gens les plus susceptibles d’utiliser les claviers d’ordinateurs étaient sans doute déjà habitués aux claviers des machines. Nos claviers ont ainsi hérité de contraintes techniques archaïques.

Une fonction dans les adresses née du hasard

En 1971, Raymond Samuel Tomlinson, informaticien, cherchait comment envoyer un message de machine à machine en liant le nom de la personne et le nom de la machine. 

L’arobase, présente sur le clavier donc, était dépourvue de fonction alphabétique. Elle a donc été choisie pour séparer et lier les deux informations. Le signe apparaît d’autant plus approprié pour une adresse qu’il se prononce déjà at (chez). 

L’arobase permettant la création d’une adresse : le premier courrier électronique était né. L’arobase aurait donc pris sa fonction actuelle un peu par hasard, ou par défaut.

Le signe avait néanmoins une fonction informatique : il commandait l’effacement de ce qui avait été écrit juste avant… Ce qui forcément a posé problème au début des adresses de messageries. 

Un symbole multiple

L’arobase illustre le rapport intime entre comptabilité et écriture. Elle symbolise ainsi à proprement parler l’ histoire d’Internet : une norme qui s’internationalise rapidement.  

Héritée du Moyen-Age, l’arobase s’est paradoxalement hissée en symbole de la modernité numérique : le MoMA de New-York l’avait même inscrit en 2010 a son catalogue des “icônes de la modernité” !

En savoir plus sur l’arobase ?

Un livre : La véridique histoire de l’arobase, Ecole nationale des chartes – 2023

Un podcast : La vraie histoire de l’@, dans Le code a changé, de Xavier de la Porte.

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